L’ère des ersatz : inventer des alternatives saines aux matériaux existants
- Néla Mariani
- 13 févr.
- 4 min de lecture
Souvent pointés du doigt car nocifs pour l’environnement, les produits issus de la pétrochimie ou de l’élevage intensif animal sont de plus en plus boycottés. Mais quid de leur alternative écolo ? Voici quelques exemples de matériaux prometteurs et éco-responsables.

Goudron de pin
Aujourd’hui, la plupart du goudron est fabriqué à partir des résidus de l’industrie pétrolière. C’est ce qu’on appelle le bitume. Toutes nos routes sont goudronnées et il semble difficile de se passer de ce matériau qu’on associe immédiatement au pétrole. Néanmoins le goudron existe depuis plusieurs siècles. Le goudron occidental le plus utilisé était le goudron de pin. Très écologique, il n’était produit qu’à partir de tous les résidus du pin non utilisés en menuiserie : les petites branches, les souches et brindilles. C’est une technique très ancienne qui servait à enduire les coques de bateaux : des archéologues ont trouvé des traces de goudron de pin en Suède qui datent de – 200 avant Jésus Christ.
Thomas Vailly est un designer qui mène un travail de recherche autour de ces techniques pour les réactualiser. Il a porté le projet Reconfiguration of a tree qui consiste à utiliser tous les déchets du pins. Ainsi, il a recréé une recette de goudron de pin et l’a appliquée à des meubles et objets du quotidien : tabouret, sabots, pots de rangement. Solide, organique, et écologique, le goudron de pin est une alternative intelligente aux produits issus de la chimie lourde. Avec son noir profond et sa brillance, c’est également un matériau esthétique qui peut servir de revêtement décoratif.

La Galalithe pour remplacer le plastique
Technique datant de fin du XIXe siècle découverte par un chimiste français, la galalithe, ou « pierre de lait », est un bio plastique fabriqué à partir de caséine. C’est de la caséine qui a été traitée au formol pour la rendre résistante à l’eau. Cette technique permettait de fabriquer un matériau semblable à l’ivoire et qui servait à fabriquer des boutons, des bijoux, des peignes... Aujourd’hui la caséine est une protéine ingérée par les bodybuilders pour augmenter leurs performances sportives. Les rebuts de l’industrie laitière servent maintenant à la fabrication de protéines sportives. Elle est également utilisée en architecture puisqu’elle sert de liant naturel pour les peintures et fixateur pour les enduits. De plus, la production de plastique à bas coût a rendu obsolète la fabrication de galalithe qui elle, est plus coûteuse. La galalithe est donc une technique qui a été mise de côté et oubliée pendant un certain temps. L’attention qu’on y porte actuellement est nouvelle : bio-plastique, elle est étudiée en tant qu’alternative aux plastiques issus de la pétrochimie. C’est un matériau qui présente des caractéristiques techniques intéressantes : il est biodégradable, ne subit pas d’altération en contact avec l’alcool, l’huile ou l’éther et est également résistant à la chaleur. Sa fabrication permet de valoriser les déchets de l’industrie laitière tout en participant à la réduction de plastiques issus de la pétrochimie.

Le cuir et ses alternatives
Intimement lié à la production de viande et l’élevage intensif, la production du cuir dans le monde est trop importante pour n’être qu’issue de l’élevage agro-alimentaire. Pour ne citer qu’un seul exemple, JBS, le plus grand producteur de cuir au monde, abat chaque jour 100 000 bovins, 70 000 porcs et 25 000 agneaux dont elle extrait simultanément viande et peau. En plus du bien-être animal, l’élevage animal nécessite des quantités faramineuses d’eau, qu’il est difficile de chiffrer car les nombres varient sensiblement d’un mode de calcul à un autre. Vous l’aurez compris, le cuir animal n’est pas une matière éco-responsable. Mais qui des alternatives ? Des « cuirs » issus de végétaux existent, mais il faut néanmoins rester vigilants. Déjà, le mot « cuir » est protégé par la loi et ne peut se référer qu’exclusivement à une matière d’origine animale. Lorsqu’on parle de cuir dit végétal, on se réfère au mode de tannage. Les entreprises produisant des matériaux similaires au cuir ont toutes breveté leur propre matériau : notamment l’Apple Skin et le Vegea. Ce sont des matières toutes les deux produites à partir de déchets végétaux : déchets issus de l’industrie agro-alimentaire de pomme pour la première, et marc de raisin pour la seconde. Problème, les deux matériaux sont fabriqués en utilisant un liant polyuréthane, autrement dit, un produit issu de la pétrochimie, ce qui n’est pas idéal non plus en termes environnementaux. Néanmoins, certains designers et chercheurs persistent à vouloir créer une alternative viable au cuir, et qui soit totalement saine. C’est le cas de Samuel Tomatis, qui mène un travail de recherche poussé autour de l’algue, qu’il décline sous une multitude de formes. Son projet intitulé MS.86.Ulva est un sac réalisé 100 % à partir d’algues. C’est un matériau développé avec des scientifiques qui est biodégradable. La matière n’est pas encore commercialisée, mais le projet se veut manifeste avant comme dessein de montrer qu’il est possible de produire autrement.

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