Entre économie de partage et logements modulaires, le Lavoir du Buisson Saint-Louis nous montre une autre façon d'habiter Paris
- Néla Mariani
- 23 janv.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 janv.
Le Lavoir du Buisson Saint-Louis est un exemple réussi et discret d’éco-habitat participatif qui résulte d’une initiative citoyenne qui a vu le jour au début des années 1980.

Une initiative citoyenne avant-gardiste
Au lendemain des premiers sommets sur le climat, la prise de conscience environnementale est devenue un sujet de société, et la manière d’habiter la ville est repensée par un groupe d’habitants parisiens. Le Lavoir du Buisson est un habitat conçu en 1981 et qui se situe à la frontière du 10e et du 11e arrondissement de Paris. C’est à l’origine un terrain accompagné d’un ancien lavoir, qu’un groupe d’une douzaine de famille ont décidé d’acheter ensemble. Pour ce projet, ils se sont accompagnés de l’architecte Bernard Kohn. On peut voir l’initiative de cet habitat groupé sous la lumière de mouvements qui ont vu le jour dans les années 70. Dans le cadre du Lavoir du Buisson, on peut dire que cette façon de penser l’habitat est une vision optimiste du monde. On peut y reconnaître le credo du « Think globally, act localy ».

Un habitat modulable
La conception à l’origine du Lavoir du Buisson ressemble à ce qui est stipulé dans la charte d’Alborg dans les années 90 : « Conformément aux principes du développement durable, il précise qu’une telle politique ne saurait se conduire sans la participation active des citoyens. L’émergence de la notion de gouvernance inaugure ainsi une nouvelle ère où la fabrique de la ville n’est plus laissée aux seuls experts (architectes, urbanistes) mais incombe tout autant à ceux qui y vivent. » En effet, dans le cadre du Lavoir du Buisson, Bernard Kohn n’est pas un architecte « décideur », mais plutôt un architecte « médiateur ». Il a fallu deux ans de discussion pour que le Lavoir sorte de terre. Toutes les familles avaient des envies et besoins différents. En résulte donc une architecture modulaire, qui s’adapte aux envies de chacun, et permet une évolution dans le temps. Chaque appartement dispose en effet de deux portes d’entrées, pour découper l’appartement si besoin. Les cloisons entre les appartements sont modulables, si un voisin veut étendre son appartement et annexer une pièce à son voisin, il peut. Le Lavoir du Buisson est labyrinthique, chaque espace a été conçu différent. En effet certains appartements se superposent, d’autres, des duplex, se croisent de façon à avoir chacun une exposition nord et une exposition sud. À l’origine, le Lavoir du Buisson comptait douze appartements, pour en compter une quinzaine à l’heure actuelle.

Habiter dehors pour habiter ensemble
La particularité du Lavoir du Buisson ne réside pas que dans son agencement architectural. L’espace extérieur y joue en effet une grande importance. De part et d’autres, l’immeuble est bordé d’espaces verts. De nombreuses terrasses en RDC permettent également aux habitants de se retrouver dehors. Pendant les beaux jours, la terrasse se transforme ainsi en extension de son salon, et la sphère du privé se confond avec celle du public. De nombreux appartements disposent également de terrasses dans les étages, parfois même des terrasses partagées à plusieurs. On peut également voir l’importance accordée au dehors dans l’architecture même du bâtiment : tous les appartements ont de grandes baies vitrées. Quand on est dans un appartement, on a donc l’extérieur qui s’invite et on a plus l’impression d’être enfermé entre quatre murs.
Accorder autant d’importance au dehors n’est pas qu’une question de plaisir et de confort. C’est également une façon de donner de l’importance au « vivre ensemble ». L’espace public est l’espace où les interactions entre les habitants peuvent se nouer. À l’origine du projet le jardin devait même être ouvert sur la rue. Mais pour des raisons de sécurité l’espace extérieur a été réduit aux seuls habitants du Lavoir. En résulte le fait que les habitants du Lavoir ne sont pas que des simples voisins. Ils se connaissent tous et reconnaissent l’importance de mener une vie collective, tout en respectant la sphère privée de chacun.

Économie de fonctionnalité
Le Lavoir du Buisson a également mis en place ce qu’on appelle l’économie de fonctionnalité. Cela veut dire que certains biens ou services sont mis en commun. De cette façon, cela limite l’acquisition de biens privés. Ainsi, le parking est collectif, et sert également d’espace de stockage. Une salle commune, qui dispose d’une laverie et d’une cuisine, est un espace que chacun peut occuper. Cette salle, spacieuse, peut également être louée à des associations pour des événements. L’entretien de l’immeuble est également assuré par les habitants eux-même. Par exemple, ils se font chaque année un week-end karcher, où ils louent du matériel pour nettoyer les espaces communs. On peut voir dans cette économie deux mentalités différentes qui se recoupent. D’une part celle du « consommer moins de biens = avoir plus de liens », qui est donc une dimension sociale. En effet, partager des biens et services amène les habitants à plus se croiser et faire confiance les uns aux autres. D’autre part on peut voir la mentalité « consommer mieux = consommer moins » qui appelle plus à une dimension environnementale. Partager des biens de consommation et en assurer l’entretien ensemble est en effet plus écologique que si chacun avait son propre bien dont il se sert beaucoup moins.

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